Nouvelles d’Omoana | Septembre 2025
Les récentes coupes dans le financement de l’USAID affectent de nombreux·ses acteur·rice·s du secteur de la santé en Ouganda. Le résultat est clair : une crise grave s’annonce pour les 80 000 enfants vivant avec le VIH. Déjà, nous constatons de nouveaux défis quant à l’accès et à la prise régulière des traitements. Et demain, sans soutien renforcé, davantage d’enfants risquent de basculer vers des formes graves de la maladie.
Depuis sa création, Omoana s’est donné pour mission de bâtir une approche durable, ancrée dans le tissu communautaire. Notre responsabilité est de protéger en priorité les enfants les plus exposé·e·s au rejet et à la maladie. Avec notre partenaire St. Francis HCS, nous faisons face chaque jour à des histoires de souffrance que nul·le enfant ne devrait vivre. Il n’est pas facile de porter ce poids sur le long terme. Mais le personnel fait preuve d’un engagement et d’une persévérance uniques.
À celles et ceux qui nous soutiennent déjà, nous exprimons toute notre gratitude. Votre appui rend ce combat possible.
Dans ce numéro, vous pourrez découvrir des informations issues d’une récente évaluation conduite auprès de 229 enfants, parents et soignant·e·s. Elle donne un aperçu concret de leur situation actuelle, de leurs difficultés et de leurs espoirs.
De manière générale, le contexte de financement devient extrêmement difficile pour Omoana, comme pour de nombreuses ONGs. Face à l’ampleur de cette crise, nous lançons un appel à la mobilisation. Il ne s’agit pas seulement de traitements ou de nutrition. Il s’agit de dignité, de survie et d’avenir pour des enfants qui ont déjà trop souffert. Plus que jamais, nous avons besoin d’un élan collectif pour protéger les plus vulnérables et leur offrir la possibilité de grandir, d’apprendre et de s’épanouir.
Adrien Genoud, Directeur
Quand les enfants vivant avec le VIH voient leur avenir menacé : l’urgence d’agir
En Ouganda, l’avenir de milliers d’enfants et d’adolescent·e·s vivant avec le VIH est aujourd’hui menacé par les coupes soudaines des financements américains de l’USAID. Les conséquences se font déjà sentir dans les hôpitaux, les centres de santé publics comme privés, ainsi que dans les services communautaires. À l’hôpital pour enfants de Nalufenya, la suppression brutale de 40 % du personnel médical a désorganisé le suivi des jeunes patient·e·s et accru la charge de travail des soignant·e·s restant·e·s. Si les antirétroviraux (ARV) sont globalement disponibles, l’enjeu est bien plus large que l’accès aux stocks. Le véritable risque réside dans la rupture du lien vital entre l’enfant et son traitement : transport, suivi, accompagnement.
Sans ce soutien, de nombreux·ses jeunes interrompent leurs prises régulières, ce qui entraîne rechutes, hospitalisations et entrée dans les phases 3 ou 4 du VIH, synonymes de maladies opportunistes graves. Les équipes d’Omoana et de St. Francis Health Care observent déjà ces signaux inquiétants : davantage de complications médicales, une recrudescence des hospitalisations et un sentiment de découragement parmi les jeunes. Chaque interruption fragilise à la fois le corps et la confiance en soi.
Dans ce contexte, les équipes de santé villageoises jouent un rôle crucial. Ces volontaires communautaires assurent un suivi de proximité, visitent les familles et veillent à ce que les enfants poursuivent leur traitement. Mais leurs moyens limités ne suffisent pas à compenser les coupes massives. Le défi est également psychosocial : la peur de la stigmatisation pousse de nombreux·ses adolescent·e·s à cacher leur statut, ce qui accentue leur isolement et compromet leur scolarité comme leur équilibre social.
Face à cela, Omoana et St. Francis développent une approche intégrée : distribution communautaire de médicaments, visites à domicile, groupes de parole, théâtre psychosocial, mentorat par des pairs et accompagnement familial. Ces initiatives redonnent confiance, favorisent l’adhésion au traitement et permettent aux jeunes de se projeter dans l’avenir.
Le rapport réalisé en aout dernier (disponible sur demande), issu d’une consultation de 229 enfants, parents et soignant·e·s est clair : sans soutien urgent, une crise sanitaire et sociale de grande ampleur menace. Derrière chaque statistique, il y a un·e enfant, une histoire, un avenir encore possible. Ne pas agir aujourd’hui, c’est condamner une génération entière à revivre les tragédies du passé.
Anisha, de la douleur à l’engagement
Anisha a 21 ans. Elle vit avec le VIH et fait aujourd’hui partie des visages lumineux d’Omoana. Son parcours, pourtant, n’a pas toujours été simple. Enfant, elle a connu la stigmatisation la plus cruelle : « À l’école, on refusait que je m’assoie à côté de mes camarades. Il
s avaient peur que je les contamine, surtout à cause des boutons qui couvraient ma peau. » Ces souvenirs, qui remontent à ses premières années de primaire, restent une blessure vive.
En 2013, Anisha reçoit le soutien d’Omoana House. Là, sa vie change : elle découvre son statut sérologique, mais aussi un environnement sécurisant, fait d’écoute et de soutien. Les rencontres avec d’autres enfants vivant avec le VIH lui redonnent espoir : « Cela m’a apporté de la joie et m’a rappelé que j’étais importante, comme tout le monde. » À travers un accompagnement psychosocial constant et des opportunités de mentorat, Anisha trouve peu à peu sa voie.
Aujourd’hui, elle est elle-même mentor. Son rôle consiste à accompagner ses pair·e·s en animant des groupes communautaires hebdomadaires, en visitant les jeunes chez eux et en leur parlant de santé, de droits et d’espoir. «Ce qui me rend heureuse, c’est de voir mes camarades retrouver le sourire et l’envie de continuer. » Elle raconte notamment l’histoire d’un jeune qui voulait fuir sa maison : après lui avoir parlé et mobilisé l’équipe d’Omoana House, elle a réussi à le ramener dans le groupe. « C’est ce genre de moments qui me montrent que mon rôle a un sens », confie-t-elle.
Accessible, exemplaire et profondément engagée, Anisha inspire confiance. Elle utilise son expérience personnelle pour tendre la main à d’autres, et son cheminement illustre la mission d’Omoana : transformer la vulnérabilité en force, et semer la lumière là où la douleur avait pris racine.
Crédit photos: Remi Portier Photographie