Depuis le début des activités d’Omoana en Ouganda, j’ai croisé de nombreux destins d’enfants, hommes et femmes qui m’ont marqué par leur force, leur espoir ou leurs souffrances. Acteurs ou bénéficiaires de l’œuvre d’Omoana, ils ont fait vivre un engagement qui, au-delà des récoltes de fonds et des activités quotidiennes, reste avant tout humain.

Parmi les bénéficiaires d’Omoana, on compte des jeunes, orphelins, séropositifs ou anciens enfants soldats. De nombreuses fois, j’ai croisé leurs regards étonnés de tant de souffrance. Mais souvent aussi, j’ai été surpris des ressources qu’ils trouvaient en eux pour affronter l’adversité. Une incroyable foi en l’avenir a permis à notre première bénéficiaire, orpheline et victime de viol au sein de sa famille, de devenir maitresse d’école enfantine,et de transmettre son savoir avec dynamisme et gaité. Je pense aussi à la persévérance d’un ancien enfant soldat, ou d’un adolescent qui, à un certain stade, était atteint de la tuberculose, de la méningite, de malnutrition sévère, et en phase 4 du sida. Tous deux, actuellement en études, rejoindront l’université d’ici un ou deux ans. Ces enfants nous inspirent. Mais ce n’est que le début. Lorsqu’on leur demande ce qu’ils veulent devenir, la plupart souhaite devenir docteurs. Ils apporteront sans aucun doute leur contribution au développement de leur pays, et à l’humanité toute entière. Qui dit que nous n’avons pas parmi nos bénéficiaires un futur Nelson Mandela ?

Parmi ces enfants, certains n’ont pas eu l’occasion de montrer au monde ce qu’ils valaient. Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée émue pour eux. Ils sont souvent morts dans des souffrances atroces, que les discours sur la justice et l’égalité des droits ne peuvent être assez intenses pour décrire. Je me plais à penser qu’ils sont devenus des anges qui nous aident à combattre pour les droits de leurs frères et sœurs. Mais au souvenir de leur mort, une certaine rancœur ne parvient à disparaître, celle d’être conscient qu’aujourd’hui personne ne devrait mourir du sida ou de malnutrition. C’est la négligence avant tout, tant au niveau global que local, qui fait que ces enfants nous quittent ainsi. La tristesse aussi m’envahit, car je ne peux oublier les hurlements de douleurs de leurs proches, à la vision du corps sans vie de ces jeunes êtres.

Les efforts d’Omoana, de son comité, de ses partenaires et donateurs, et des familles des enfants restent essentiels pour offrir à ces derniers des perspectives d’un avenir durable. Parmi les 2,7 millions d’orphelins, les 130’000 enfants séropositifs et les 25’000 anciens enfants soldats que compte l’Ouganda, il y a avant tout des âmes humaines, bien plus que des statistiques. De nombreuses injustices se déroulent, certes dans des contrées lointaines, à plusieurs milliers de kilomètres. Mais elles se passent maintenant, à une époque où nous sommes tous potentiellement acteurs de changement. Cela nous rend donc responsables de faire de cette Terre un endroit où vivre ne doit pas être un privilège. Les histoires mentionnées dans cet article témoignent du fait que dans ce monde tout est envisageable. Fatou Diome a écrit « Dans la balance de la mondialisation, la tête d’un enfant du Tiers-Monde pèse moins lourd qu’un hamburger ». Il n’appartient qu’à nous de changer cet état de fait. Un sincère merci à tous les artisans de l’œuvre d’Omoana, qui, par leur soutien, ne se laissent pas aller au fatalisme.

Adrien Genoud